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COUVERTURES
Aller-retour, roman, Robert Tremblay ,
Fondation
littéraire Fleur de Lys |
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PRÉSENTATION
Aller-retour, roman, Robert Tremblay,
Fondation
littéraire Fleur de Lys
Carole Lemay est une jeune femme de 27 ans brisée
par la vie. Son père qui l’aimait beaucoup l’a un
jour surpris, commettant un geste qui à ses yeux
était impardonnable. Il a renié sa fille, ne lui a
plus jamais adressé la parole et il est décédé
quelques années plus tard.
Carole a donc vieilli en développant un sentiment de
culpabilité qui fut une véritable entrave à son
bonheur. Elle s’est isolée, refermée sur elle-même
pour son plus grand malheur.
Un jour elle sera attirée par une petite annonce
dans le journal qui fera jaillir en elle un rêve de
liberté.
C’est en donnant suite à cette petite annonce
qu’elle fera la rencontre de Paul Mailloux, un homme
de 44 ans, lui aussi brisé par la vie, mais pour des
raisons bien différentes qui sont aussi reliées à
son père. Il est devenu un homme austère et froid
incapable d’être heureux et de sourire à la vie. Il
entretient de très noirs desseins, mais avant de les
réaliser, il doit trouver une jeune femme qui va lui
plaire et qu’il va entraîner grâce à un mensonge
dans un long voyage autour du monde.
Quel résultera-t-il de cette rencontre entre Carole
et Paul ?
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EXTRAIT
Aller-retour, roman, Robert Tremblay,
Fondation
littéraire Fleur de Lys
PREMIER CHAPITRE
(texte intégral)
La petite annonce
RECHERCHÉE
Jeune femme de 25 à 35 ans, secrétaire
expérimentée, polyglotte, apparence distinguée, libre de voyager
à l’extérieur du pays pendant cinq ans : 852-7687. |
Mercredi 30 mars 1983
C’est vendredi, la dernière journée de la semaine. À bien y penser, ça ne
change absolument rien pour moi. Toutes les journées sont pareilles, des
copies conformes l’une de l’autre. Ma vie est réglée comme un mouvement
d’horlogerie, les mêmes gestes, aux mêmes heures, au gré des jours, des
semaines, des mois et des ans. Le seul imprévu, c’est le temps qu’il fait ou
qu’il fera et, encore, les services météorologiques sont de plus en plus
précis dans leurs prévisions. Quelques nuages ce matin, pluie en après-midi,
éclaircies en soirée. Peut-on demander mieux? Bientôt, l’hiver fera place au
printemps, puis il y aura un autre été suivi d’un autre automne. Tout n’est
qu'une routine sans fin dénuée de sens. Je vagabonde dans la vie comme un
clochard dans la ville, glanant ici et là des miettes de bonheur. Qu’on me
fasse au moins la charité d’un bonjour, l’obole d’un sourire. Je tourne en
rond comme un ours dans sa cage, sans intérêt, sans but et sans projet. Je
m’ennuie dans ma solitude. Toute ma vie se résume à attendre un train dans
une gare désaffectée. On dit que la mort est un sommeil sans rêves, moi,
j’entretiens mes rêves pour que la vie ne ressemble pas trop à la mort.
En prenant mon café, ma curiosité est piquée par une petite annonce sous la
rubrique offres d’emploi, ce catalogue des rêves utopiques qui, avec mes
toasts et mon café, me sert de nourriture en entretenant quotidiennement mes
illusions. Je l’encercle en rouge, ça me semble intéressant, je vais
téléphoner dès neuf heures en arrivant au bureau. Chaque matin, je parcours
les petites annonces comme un chercheur d’or qui, jour après jour,
inlassablement, filtre l’eau de la rivière avec l’espoir de trouver au fond
de sa passoire la pépite qui le rendra riche et transformera sa vie. Des
dizaines de fois, j’ai cru tenir la précieuse pépite. Je collectionne les
rêves éteints. J’aurais voulu que ma vie soit un long roman-fleuve, je dois
me contenter d’une mare d’eau stagnante.
Quitter le pays, changer de décor, modifier mes habitudes, côtoyer de
nouvelles personnes et modifier mon image, cela me ferait le plus grand
bien. L’aventure, l’imprévu, le risque, un brin de folie et de fantaisie:
voilà ce qu’il me faut. C’est trop beau pour être vrai! Ce n’est pas à moi
qu’une chose pareille arriverait. Je vais quand même téléphoner, juste pour
voir, pour forcer le destin avant que l’âge m’amène sur l’incontournable
chemin du retour.
À première vue, je réponds à toutes les exigences. J’ai vingt-sept ans,
bientôt vingt-huit, je travaille depuis huit ans pour une firme d’ingénieurs
en tant que secrétaire. S’il est vrai que l’expérience est la somme de nos
erreurs, je suis sans doute une personne très expérimentée, car toute ma vie
est une suite d’erreurs. Depuis ma toute petite enfance, j’ai accumulé les
bévues, les bourdes, les étourderies, les frasques, de quoi écrire une
comédie que je serais la seule à pleurer.
Je n’ai jamais eu la réputation d’être une jolie fille. Les garçons ne se
sont jamais précipités à ma porte. Je n’ai jamais gagné de concours de
beauté ni même jamais osé y présenter ma candidature. Je m’habille toujours
de façon très classique dans des tons et des lignes sobres. Propreté et
confort ont toujours été mes deux seuls critères dans le choix de mes
vêtements.
Me distinguer des autres, attirer les regards, plaire, provoquer et aguicher
n’ont jamais été chez moi des préoccupations. Marie-Claude, dès la petite
école, m’a toujours reproché ma retenue. Elle aurait voulu que je sois plus
audacieuse, que j’adopte des lignes plus à la mode, des couleurs qui
accrochent le regard, des tissus légers transparents et moulants. Je n’aime
pas me faire remarquer, je préfère passer inaperçue, m’effacer discrètement,
me fondre dans la masse.
Je m’exprime parfaitement en français et en anglais. Née d’une mère
napolitaine, je sais aussi me tirer d’affaire en italien, et même aussi en
espagnol. C’est au Cégep, il y a dix ans, que je me suis initiée à la langue
de Don Quichotte. À cette époque alors que je venais à peine de sortir des
griffes de Marie-Claude, j’étais tombée amoureuse de Rémi Cournoyer, un
jeune professeur d’espagnol. Il devait avoir près de trente ans, j’en avais
dix-huit. Il avait de longs cheveux bruns qui roulaient sur ses épaules, une
barbe bien taillée; il fumait la pipe avec élégance, emplissant l’espace de
l’arôme subtil de son tabac. Je le trouvais beau comme un dieu,
l’incarnation d’Apollon, mon Adonis à moi. Je m’étais inscrite à son cours
en nourrissant le fol espoir qu’il me remarque et qu’il succombe aux charmes
incertains de l’ingénue que j’étais.
Pendant deux trimestres, à raison de cinq heures par semaine, j’ai suivi
fidèlement tous ses cours, m’imprégnant de chacune de ses paroles. J’étais
toujours à l’affût du moindre signe, un geste tendre, une intonation vocale,
une lueur dans le regard qui aurait pu me révéler que mon sentiment était
partagé. Un jour, s’étant aperçu de l’intérêt que je lui portais, il me fit
délicatement savoir, au fil d’une conversation anodine, qu’il était marié
depuis deux ans, qu’il serait bientôt papa et qu’il était éperdument
amoureux de son épouse. Je n’avais vraiment pas de veine : premier amour,
première déception. Si j’avais eu les pouvoirs d’Aphrodite, je l’aurais
changé en anémone. Pendant toute ma vie, prisonnier de mon amour, je
l’aurais cajolé, câliné, choyé, mignoté sans répit jusqu’à mon dernier
souffle. Ce qui m’a le plus humiliée dans ce triste épisode de ma vie, c’est
qu’il ait vu clair dans mon jeu. Comment avais-je pu être si naïve? Malgré
sa grande délicatesse, sa discrétion et son tact à mon égard, j’imaginais,
honteuse, ce qu’il avait pu penser de moi : une gamine amoureuse de son
professeur, une chenille amoureuse d’un papillon, un enfantillage, une
anecdote qu’il raconterait à son épouse ou à ses collègues.
Par la suite, j’ai abandonné le cours et j’ai esquivé le professeur pour ne
pas rougir devant lui. Je m’étais vraiment conduite comme une petite fille
et le monsieur m’avait remise à ma place. Je ne sais plus pendant combien de
temps j’ai pleuré mon humiliation. Depuis ce jour, j’ai développé la vertu
de prudence et j’ai pris la résolution de ne plus jamais dévoiler mes
sentiments avant d’avoir l’assurance qu’ils soient partagés. De cette
malheureuse aventure, il me reste une certaine connaissance de l’espagnol
et, surtout, la certitude que je peux aimer un homme.
Libre de partir, de voyager, pendant cinq ans, ça, je le suis. Je n’ai
aucune attache, aucun lien, pas de mari, pas d’amant et pas d’enfant,
personne qui ait vraiment besoin de moi. Seule maman se sentirait délaissée,
mais Gilles, mon frère aîné, saurait bien me remplacer. Après tout, n’a-t-il
pas toujours été son préféré?
Cette simple petite annonce a provoqué en moi une soif de liberté, une envie
irrésistible de prendre le large et de rompre avec mon passé. Moi qui ai
consacré toute ma vie à me forger des chaînes, voilà que je me surprends à
vouloir les briser. J’étouffe dans ce bureau de la rue Peel. J’ai le goût de
partir, de voir du monde, d’élargir mes horizons, de sortir de ma solitude,
de m’éclater enfin pour boire à la vie à grandes gorgées, sans retenue.
Attention Carole, tu t’emballes, tu prends tes rêves pour la réalité, tu as
pourtant déjà payé très cher pour cela, n’as-tu donc pas assez souffert? Tu
as passé l’âge de croire aux contes de fées. Cette annonce n’est peut-être
qu’un attrape-nigaud, un guet-apens pour fille naïve. Même si c’était
sérieux, il y a loin de la coupe aux lèvres! Attention aux déceptions
Carole, ne te fais pas mal une fois de plus. J’ai bien conscience des deux
pulsions qui sont en moi, la peur qui me rattache à mon passé et le désir de
vivre qui me propulse vers l’avenir. Je sais que l’heure du choix est
arrivée. Si je tarde trop à me décider, il sera trop tard!
M’étant quelque peu attardée dans mes rêveries, c’est avec un retard d’une
dizaine de minutes que j’arrive au bureau. Je n’aime pas être en retard,
j’ai toujours l’impression qu’on va me gronder, me punir, me montrer du
doigt; c’était comme ça à la petite école. Je n’ai jamais pu me débarrasser
de ce sentiment de culpabilité, j’ai toujours l’impression qu’on ne me
pardonne pas mes erreurs. J’ai développé le complexe de « l’œil de Dieu qui
surveillait Caïn ». Je revois toujours cette image, de Madame Thomas, mon
institutrice de cinquième année, pointant sur moi son doigt accusateur, le
jour où elle avait trouvé dans mon pupitre, un paquet de cigarettes que je
dissimulais pour protéger Marie-Claude; j’en frémis encore quinze ans plus
tard. Souvent, ce cauchemar hante mes nuits. Heureusement, M. Brisebois
n’est pas encore arrivé et j’ai tout le temps nécessaire pour m’installer et
commencer impunément ma journée de travail. Ce n’est qu’à 10h30, après avoir
expédié les affaires pressantes, que je peux composer le 852-7687.
— Bonjour, Paul Mailloux à l’appareil.
— Bonjour, monsieur Mailloux, mon nom est Carole Lemay, je vous appelle au
sujet de l’annonce que vous avez fait paraître dans le journal de ce matin.
J’aimerais en savoir un peu plus.
— Répondez-vous à toutes les exigences formulées dans l’annonce?
— Je crois bien que oui.
— Vous croyez ou vous en êtes certaine?
— Euh… j’en suis certaine.
— Vraiment?
— Oui monsieur, tout à fait.
— Quel âge avez-vous?
— 27 ans, bientôt 28.
— Vous êtes polyglotte?
— Oui, je parle et j’écris correctement quatre langues, l’italien,
l’espagnol et, bien sûr, l’anglais et le français.
— Voici donc de quoi il s’agit. J’ai besoin des services d’une jeune femme
dynamique et responsable, ayant un sens de l’initiative très développé, pour
agir auprès de moi en tant que secrétaire itinérante. Je suis écrivain et je
dois collaborer au niveau de mes compétences à la rédaction d’une série de
volumes sur les plus grands musées du monde. Mon employeur est une grande
maison d’édition française, de stature internationale. Au cours des cinq
prochaines années, je dois parcourir toutes les grandes villes du monde, me
documenter et visiter les musées, les grandes cathédrales et les salles de
concert les plus prestigieuses. Ma secrétaire devra m’accompagner dans mon
périple, s’occuper de toutes les formalités relatives à nos déplacements et
bien consigner tous les renseignements que je lui dicterai.
— Cela me semble très intéressant.
— La personne que je choisirai devra entrer en fonction le lundi 2 mai
prochain. Il s’agit d’un contrat de cinq ans qui prendra fin le 30 avril
1988. Ce contrat, vous devez bien vous en douter, ne sera pas renouvelable.
— Et le salaire?
— Il sera de deux cents dollars par semaine.
— C’est moins que ce que je gagne actuellement!
— C’est à prendre ou à laisser mademoiselle, je dois cependant vous dire que
je vais assumer tous les frais de déplacements, de repas et d’hôtel ainsi
que les dépenses pertinentes à vos fonctions.
— C’est à considérer!
— Si le poste vous intéresse, je puis vous recevoir en entrevue, nous
pourrions alors reparler de tous ces petits détails.
Je sens le rythme accéléré de mes pulsations, j’ai les mains moites, je ne
sais plus si je dois dire non merci et raccrocher ou, encore, accepter
l’entrevue qui m’est proposée. Il y a si longtemps que je n’ai pas pris une
décision concernant ma propre vie que je suis prise de panique. Dans ma
tête, les idées se bousculent. J’entends une voix qui me dit « N’y va pas,
c’est de la folie, c’est un piège, tu vas le regretter, tu vas faire la
bêtise de ta vie ». Mais une autre voix qui vient de très loin, des
profondeurs de l’inconscient, une toute petite voix, à peine audible, mais
bien réelle me dit : « Vas-y, c’est ta chance, tu ne dois pas la rater,
c’est l’occasion de faire quelque chose de ta vie ».
— Vous êtes toujours là, mademoiselle Lemay?
— Oui, je suis là.
— Peut-on se rencontrer?
— Oui, ça m’intéresse grandement. (La réponse est sortie toute seule, comme
un réflexe).
— Le mardi soir 5 avril à 20h00, ça vous convient?
— Parfaitement.
— Je vous attendrai chez moi, au 1309 rue Musset. C’est la deuxième rue au
nord de…
— Oui, je connais la rue Musset, le 1309 disiez-vous?
— C’est exact.
— D’accord, c’est noté.
— Je vous attendrai, mademoiselle Lemay, à bientôt. Oh! j’oubliais un petit
détail, pouvez-vous m’apporter un curriculum vitae.
— Je l’apporterai.
— Au revoir
— Au revoir, monsieur Mailloux.
Pendant tout le reste de la semaine, je me suis demandé si j’allais me
présenter à cette entrevue. Je pensais tantôt que c’était peine perdue,
tantôt que j’allais vivre enfin une grande aventure. Tantôt, j’avais envie
de décliner l’invitation par peur d’essuyer un autre refus, tantôt j’avais
le goût de braver, de foncer, de me battre pour obtenir ce poste. J’aurais
bien aimé en parler à quelqu’un, à maman peut-être, mais je savais à
l’avance ce qu’elle me dirait; à ses yeux, Paul Mailloux n’avait aucune
chance de trouver grâce. À part maman, il n’y avait aucune autre personne
dans ma vie à qui je pourrais confier mes tourments. Quand j’étais petite,
papa me surnommait « la petite fonceuse », car rien ne me faisait peur. Il
m’arrivait souvent de me porter à la défense de mon grand frère lorsque les
gamins du voisinage voulaient lui faire un mauvais parti. Cependant, la vie
a effacé ce trait de caractère, Carole « la petite fonceuse » est devenue «
Carole, la timorée ». Pendant toute la fin de semaine, je me suis préparée
mentalement à redevenir cette petite fonceuse que j’étais jadis. Vas-y
Carole, fonce, chasse la peur, provoque le destin, tu vas réussir.
* * *
Le même
jour, Paul s’était levé très tôt. Il n’était pas encore six heures
que déjà, après une longue nuit d’insomnie à ruminer des idées
noires, café à la main, il attendait le camelot qui fidèlement lui
apportait le journal qui allait, comme tous les jours, le
reconnecter avec la réalité du quotidien. Cette fébrilité était peu
fréquente chez lui. Il est habituellement une personne calme et
impassible, du moins c’est l’image qu’il cherche à projeter. Paul
Mailloux cultivait un certain flegme. Il considérait que c’est là
une vertu essentielle pour un enseignant et d’emblée pour un
directeur d’école. Les gens le trouvaient étrange, distant,
impénétrable et mystérieux. C’était un homme de peu de paroles, il
craignait le ridicule et le jugement des autres. Sans véritable ami,
il ne se laissait pas approcher facilement. Son espace vital était
restreint, très rares étaient les gens qui pouvaient y pénétrer.
Personne non plus ne cherchait à l’approcher, il avait le sentiment
que les gens eussent peur de lui, ou, tout au moins s’en méfiaient.
Il cultivait cette image et, pourtant, il savait qu’il en était
prisonnier; il en jouissait et en souffrait en même temps. Sa vie
était faite de ces contradictions qui faisaient qu’il passait son
temps à se quereller avec lui-même à se questionner sur son agir,
ses pensées, ses pulsions. Il n’arrivait pas à créer un lien entre
ce qu’il désirait et ce qu’il faisait pour l’obtenir. Ainsi, il
devait toujours vivre des situations qu’il n’avait jamais vraiment
désirées. Il était souvent la victime de ses propres décisions. Mais
ce matin, il ne tenait pas en place, il était comme une girouette au
milieu d’une tornade. Il avait enfin osé donner une suite à son
désir, faire le pas qui allait faire basculer sa vie. Si nous étions
encore au temps biblique, tout comme Abraham, il adopterait un
nouveau nom pour bien marquer cette nouvelle orientation qu’il
allait donner à sa vie. Un nouveau Paul Mailloux est sur le point
d’éclore, sa vie aura l’éclat et la longévité d’une météorite ou
d’un feu d’artifice. Comme un moine dans le préau, il ne peut
s’empêcher de faire les cent pas. Il se répète mentalement le
scénario qu’il a préparé pour répondre à toutes ces jeunes femmes
qui lui téléphoneront en réponse à la petite annonce qu’il a fait
paraître dans le journal d’aujourd’hui.
À 7h10, il ouvrait son journal, à la rubrique « offres d’emploi ». Son
annonce était là, bien encadrée comme il l’avait demandé, en évidence au
sommet de la deuxième colonne. Le sort en était jeté, il ne pouvait plus
reculer. Il se félicitait d’avoir enfin osé, il était fier de lui et il
avait hâte: deux émotions qu’il n’avait pas ressenties depuis fort
longtemps. « Ça ne coûte pas cher et ça rapporte bien », c’est ce que dit la
publicité au sujet des petites annonces. Aujourd’hui, il est en mesure d’en
vérifier l’exactitude. Il a reçu vingt-sept appels. La plupart des jeunes
femmes ne répondaient pas à toutes ses exigences. Plusieurs se déclaraient
polyglottes alors qu’elles étaient simplement bilingues. D’autres étaient
tout simplement trop jeunes ou sans expérience pertinente. Toutes cependant
étaient prêtes à partir, libres comme le vent.
Il en a convoqué six en entrevue, les deux premières, lundi, deux autres,
mardi et les deux dernières, mercredi. Son canevas d’entrevue est bien
dessiné depuis longtemps; il l'a planifié comme un général planifie
l’invasion d’un pays ennemi. Ses critères de sélection sont, dans l’ordre :
le nombre de langues parlées, le sens de l’initiative, le degré de culture
artistique et historique, la personnalité, l’apparence et, finalement,
l’expérience en secrétariat.
Il a établi une procédure de sélection en deux temps. Tout d’abord, lors de
l’entrevue, il vérifiera si chacune des candidates répond à ses critères.
Cette première étape passée, Paul choisira les deux ou trois jeunes femmes
qui répondent le mieux à ses exigences et il les invitera à souper au
restaurant afin de mieux les connaître, mieux les évaluer. Ce n’est qu’après
cette dernière rencontre qu’il prendra sa décision qui sera sans appel.
Samedi 2 avril 1983
Cinq autres appels sont entrés aujourd’hui et Paul a convoqué une septième
candidate jeudi. Pendant toute la journée, il a fait du ménage. Il a balayé
partout, il a lavé les vitres, épousseté les meubles, mis de l’ordre dans
toute la maison. Vivant seul et prenant la plupart de ses repas à
l’extérieur, il ne vient chez lui que pour y dormir. Pourquoi perdrait-il
son temps à entretenir cette grande maison alors qu’il n’y est que rarement
présent?
Exceptionnellement, il s’est couché très tôt. Il a ressenti d’autres
douleurs à la poitrine. Il a dû travailler trop fort et a abusé de ses
forces décroissantes. Il devra être un peu plus prudent s’il veut profiter
un peu du voyage.
Il a du mal à s’endormir. Il est très attentif au rythme de ses pulsations,
qui lui semblent très irrégulières. Au moindre malaise dans sa cage
thoracique, il s’inquiète, s’ausculte, la peur l’envahit. S’il s’écoutait,
il irait passer ses nuits à la salle d’urgence de l’hôpital. Branché de
partout et sous la surveillance des infirmières et du médecin, au moins, il
pourrait dormir en paix. Depuis que le docteur Bigras l’a informé de son
état de santé, c’est comme ça tous les soirs, toutes les nuits. Paul
Mailloux est un homme en sursis. L’idée qu’il peut mourir d’un instant à
l’autre le terrifie, il ne s’y habitue pas. Quand il a l’esprit occupé, il
n’y pense pas trop, ça va bien, mais dès qu’il se retrouve seul, qu’il n’a
plus rien à faire, l’angoisse l’étreint de nouveau, la panique s’installe et
il imagine le pire. C’est pourquoi il retarde toujours le moment de se
mettre au lit. Quand il décide de se glisser sous les draps, il est si
fatigué qu’il sombre tout de suite dans le sommeil.
Heureusement, bientôt il ne sera jamais plus seul. Il y aura toujours
quelqu’un auprès de lui, une femme qu’il aura lui-même choisie. Paul
Mailloux veut bien mourir, il n’attend plus rien de la vie. Il sait bien
qu’il y a en lui, de façon génétique, une incapacité chronique à être
heureux, il résume sa vie en deux mots : honte et solitude. Quand on ne peut
se regarder soi-même dans le miroir parce qu’on se déteste, comment peut-on
avoir le courage d’imposer sa présence aux autres à moins de les payer?
C’est ce qu’il va faire.
Paul n’a pas eu le loisir de choisir celle qui pendant trois ans a été la
compagne de sa vie, son père y a vu, lui imposant une épouse et une fille.
Par contre, à 44 ans, il choisira lui-même la compagne de ses derniers
jours, celle qui l’aidera à rattraper le temps perdu, à combler son déficit
de bonheur. Il lui reste moins de cinq ans pour y goûter un peu.
Louise Plamondon, Élyse Gagnon, Marie-Hélène Tougas, Carole Lemay, Sandra
Piché, Nicole Dutrisac, Martine Gobeil. Inlassablement, il répète ces noms
pour s’occuper l’esprit un peu comme une prière, une supplique, une litanie
qu’on répète des milliers de fois dans l’espoir qu’elle soit exaucée. Il les
imagine toutes, l’une après l’autre, il les dessine dans sa tête. Elles sont
toutes intelligentes, fines, délicates et jolies.
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AU SUJET DE L'AUTEUR
BIOGRAPHIE
Robert
Tremblay
Robert
Tremblay est né en 1942 sur le Plateau Mont-Royal à
Montréal. Il commença ses études primaires à l’école
Saint-Pierre Claver. En quatrième année il
poursuivit ses études à l’école St-Vital à
Montréal-Nord où son père venait d’être nommé
concierge. C’est cependant à l’école
St-François-Xavier à Montréal, avec les frères de
l’instruction chrétienne (FIC) qu’il termina ses
études primaires. C’est à cette école qu’il a rédigé
son premier roman « Au pays des bienheureux »
emplissant à la petite plume toutes les lignes de
trois cahiers d’écolier. Son roman inspiré de la vie
de sa grand-mère et du téléroman de Roger Lemelin
« La Famille Plouffe » fut publié sous forme de
feuilleton dans le journal de son école pour le plus
grand plaisir des 400 élèves qui la fréquentaient.
Au secondaire, Robert fréquenta l’École St-Stanislas
(FIC). Il s’illustra particulièrement grâce au
Journal de l’école Le CHEZ-NOUS dans lequel il
publia régulièrement de nombreux articles couvrant
de nombreux sujets. En douzième année, il remporta
un concours oratoire grâce à un vibrant discours
qu’il avait écrit et qu’il avait intitulé « Sa
Majesté la langue française ».
Après quatre années d’études à l’école normale
Jacques-Cartier, il devint professeur d’abord à la
CECM puis, au privé, au Collège Mont-Saint Louis où
il a enseigné pendant 24 ans.
Pendant ces années, il a publié plusieurs livres
(voir BIBLIOGRAPHIE çi-dessous).Tous furent vendus à
plusieurs milliers d’exemplaires dans toute la
province de 1974 à 1985.
À sa retraite, Robert et son épouse fondèrent le
Service Privé d’aide aux Études N&R inc, (SPAE) un
regroupement de 300 professeurs pouvant donner des
cours à domicile à des élèves en difficulté. En 15
ans ils ont pu aider ainsi plus de 12 000 étudiants.
L’entreprise a été vendue en 2007 et existe encore
sous le même nom. (www.spae.ca).
Tout en s’occupant du SPAÉ, Robert fut pendant 10
ans guide bénévole au Musée du Château Ramezay à
Montréal.
BIOBIOGRAPHIE
Robert
Tremblay
POUR TOUJOURS
Éducation religieuse, secondaire II
Manuel de l’élève et Manuel du maître
Éditions Guérin
ENTRE-TEMPS
Éducation religieuse, secondaire III
Manuel de l’élève et Manuel du maître
Éditions Guérin
OPTIONS PLUS
Éducation religieuse, secondaire V
Manuel de l’élève et Manuel du maître
Éditions Guérin
UN P’TIT GARS DU PLATEAU
Autobiographie de mon adolescence
Éditions Dédicaces, Montréal, Québec, 2009
|
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Robert
Tremblay
Robert Tremblay se fera un plaisir de lire
et
de répondre personnellement à vos courriels.
Adresse de correspondance électronique :
nicoleetrobert@gmail.com
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